mercredi 31 janvier 2024

VOUS AIMEEZ LIRE !

Bonjour à tous


VOUS AIMEZ LIRE !

 BONNE NOUVELLE :

Mon recueil "DES NOUVELLES DE L'AMOUR" est publié chez BOD et sortira en librairies francophones (sur commande) à compter du :

Lundi 05 Février prochain.






C'est un recueil de huit petites romances, rédigées au gré de mes envies, entre l'écriture de deux romans de 2018 à 2023.



Comme l'indique si bien le titre, des nouvelles qui ne parlent que d'amour. Des chutes surprenantes ! Et lorsque je parle de chutes comme ici, ce n'est pas parce qu'il s'agit d'amour que j'évoquerais ici les chutes de reins, non ! plutôt les dernières lignes des romances auxquels nous ne nous attendions pas, mais alors pas du tout !



Pour m'aider à mieux référencer mon blog sur lequel j'y mets tout mon cœur, merci de cliquer sur les liens ci-dessous qui vous permettrons par ailleurs de mieux me connaitre :

mardi 23 janvier 2024

LA SOLITUDE

 Bonjour amis lecteurs (ou en devenir)

 

 

Comme je me suis réfugié dans mon coin hivernal préféré jusqu’au printemps, je crois bon de vous évoquer le pourquoi de ma solitude, ici entre Méditerranée et Pyrénées.

Au gré de mes fantaisies, chez chopé quelques citations connues ou moins connues ou même inventées par moi.

 



Dès le mois d’avril, je retrouverai de nouveau mon pied à terre auprès de la vallée de La Loue dans ma Franche-Comté natale. Pour l’instant, les fesses sur une chaise en terrasse et devant mon ordi, je m’attaque à mon prochain roman, le neuvième. Inspiré par la mer et les mouettes, la montagne et le soleil, je me lance dans un conte fantastique qui justement évoque le monde des oiseaux, un monde cependant bien particulier entre monstres kidnappeurs d’enfants et Adrienne la douce et jolie fillette de Blanche-Montagne.

Mon site Internet






J’ai besoin de solitude pour écrire, je ne suis pas assez sage pour me concentrer suffisamment au sein de la société. Je noircis des lignes sur les pages blanches de Word en évoquant la plupart du temps la beauté de la nature (tout du moins celle qui garde un semblant de virginité), alors que n’ai-je besoin du monde et de la ville pour trouver l’inspiration ?

 



 C’est dans les Pyrénées que j’aime promener mon chien Schnaps des heures durant, et je profite du temps relativement doux en cette période hivernale dans cette magnifique région catalane. J’aime cette patience hivernale qui me dorlote ici à Banyuls parmi les meilleurs vins doux, dans l’attente de mon retour dans le pays de l’absinthe et des vins du Jura.

Je passe mes journées ici entre trois loisirs qui se marient si bien à ma solitude : l’écriture chaque matin, les randonnées en montagne ou sur les sentiers côtiers en compagnie de Schnaps chaque après-midi et deux à trois heures de lecture chaque soir. Ainsi coule la vie, une vie solitaire et bienheureuse. Faut dire que je suis retraité… ça aide !

 

J’ai besoin de solitude pour écrire, je ne suis pas assez sage pour me concentrer suffisamment au sein de la société. Je noircis des lignes sur les pages blanches de Word en évoquant la plupart du temps la beauté de la nature (tout du moins celle qui garde un semblant de virginité), alors que n’ai-je besoin du monde et de la ville pour trouver l’inspiration ?

 








jeudi 4 janvier 2024

BONNE ANNEE 2024

 



Bonjour à tous,

En cette nouvelle année, je vous présente mes meilleurs vœux, beaucoup de lecture, d’écriture peut-être, et de mille autres plaisirs de la vie.

N'hésitez pas à jeter une oeil sur mon site internet ou ma page Facebook

En ce qui me concerne, j’ai décidé d’attaquer 2024 tambour battant. J’envisage de publier trois romans dans l’année. Facile ! puisque deux sont terminés en écriture. Pour le troisième, j’ai commencé de rédiger le résumé la semaine dernière et je suis en train de créer mes fiches personnage. D’ici quelques jours j’écris le scénario et commence la rédaction proprement dite du roman autour du 15 janvier prochain. Là, je pars m’isoler dans mon petit endroit hivernal au bord de la mer et au pied des Pyrénées. Entre écriture, lecture et balade en montagne avec Schnaps, je vais pouvoir me ressourcer, inutile donc de méditer !

Les trois romans à venir pour 2024 :

« La jalousie des mots »… Romance à intrigues version LGBT (parution au printemps)

« Belle et bonne »… Romance à intrigues, et non romance érotique comme le titre pourrait le laisser croire !

En ce qui concerne ce troisième livre que je commence en ce moment, il s’agit d’un conte fantastique. J’envisage d’ores et déjà plusieurs tomes pour cette aventure peu ordinaire. Le premier tome que je rédige donc bientôt dans mon pied-à-terre à Banyuls sera en principe publié avant les fêtes de fin d’année 2024. Je n’ai pas encore le titre.

Je projette également de réaliser un calendrier de l’avent pour Noël 2024. Une petite histoire pour enfant de 3 ou 400 mots, et ce, chaque jour de l’avant. Je pense pouvoir écrire ces petits contes sans difficulté, par contre je suis preneur si vous avez des idées pour la confection du calendrier.

Et comme promis, voici mon cadeau de Nouvel An : pour vous ci-dessous cette petite romance poétique, laquelle figure dans mon recueil "des nouvelles de l’amour" qui doit paraitre ce mois-ci chez BOD :


GUERANDE ET GOUTTELETTE  

Une goutte d’eau sort du ventre douillet d’un nuage gris sans un cri, cette vie naissante était trop belle pour ne pas sourire. Un nouveau-né, dans les douleurs de l’enfantement, pleure en découvrant le monde, présage des souffrances de la vie, mais la goutte d’eau, elle, docile, sage, naturelle, tombe du ciel, s’accroche à la feuille de l’arbre, puis glisse doucement sur la nervure, s’étale enfin sur la terre nourricière, découvre sa famille et ses amis, cette ribambelle de gouttes d’eau qui coure, comme elle, sur la terre humide.

La goutte d’eau s’écroule joyeusement dans le sillon, puis, emportée par le flot, gagne le ruisseau, murmure entre cresson et boutons d’or. Serrée entre ses amies, elle chante sur les galets, glousse à l’approche du torrent, saute avec joie pour rebondir sur la roche, éclabousse de plaisir ses compagnes, et toujours s’embrasser. Curieuse, encore plus vite et plus loin, elle tourbillonne enfin dans cette belle rivière qu’on appelle la Vilaine.

C’est maintenant l’immensité, l’espace humide et frais, déjà la vie d’adulte. Alors elle se laisse porter vers ce monde inconnu, cherchant un cap, une ligne de vie sans vraiment pouvoir choisir, et le courant l’entraîne sur une pente si douce qu’on dirait qu’elle est plate. Et la goutte d’eau s’écoule et s’écoule toujours à côté de ses sœurs qui s’écoulent et s’écoulent aussi, les unes dans les autres, les unes sur les autres. L’eau va au gré du vent et du courant comme si elle connaissait son chemin, mais une force supérieure l’entraîne vers son destin.

Un brusque coup de vent, et la goutte d’eau s’envole sur la berge de la Vilaine, s’accroche à un œillet sauvage. Maintenant seule, elle se prélasse sous le ciel gris de Bretagne. Un rayon de soleil surgit et la goutte d’eau se pare de bleu et de brillance, sa rondeur s’étale sur le pétale.

Le vent s’affole à nouveau et courbe l’œillet où la goutte d’eau ne peut se tenir. Elle glisse dans la rivière, s’accroche à l’écaille d’une carpe qui nage tout près de la berge. L’ombre d’une épuisette s’approche et emporte aussitôt poisson, goutte d’eau et bien d’autres compagnes dans le seau du pêcheur. Ballotée dans le récipient de plastique, elle finit dans le coffre d’une berline, dans le noir et dans le doute. La route est longue et cahoteuse, la goutte d’eau saute, sursaute, glisse le long du seau, retombe sur les poissons, rebondit encore et encore, s’accroche enfin à la paroi de plastique.

La berline s’arrête. Dans le grincement de la porte du coffre jaillit la lumière du jour, l’odeur de la marée embaume l’habitacle. La grosse main du pêcheur s’empare du seau puis l’homme part d’un bon pas le long des marais salants. Mais le récipient ballote si fort que la goutte d’eau tombe sur le bas-côté d’un bassin de cristallisation. Elle regarde s’éloigner les bottes, le seau et ses compagnes toujours prisonnières. Autour d’elle, à perte de vue, ce sont des bassins qu’on appelle des œillets. Pourtant ces œillets-là sont carrés, gris, mathématiques, rien à voir avec la belle fleur étoffée, ivre, sensible. Sur le bord de ces fleurs grises s’entassent des tas de grains gris.

— Eh ! tu es nouvelle ici, je ne t’ai jamais vu.

— Je m’appelle Gouttelette. Et toi, qui es-tu ? Tu ressembles étrangement à tous ces grains gris qui s’entassent à l’infini.

— Je traîne ici, car le vent m’a poussé à quelques encablures de mes frères, ces grains gris. Mais toi, Gouttelette, tu es seule aussi ?

— Oui.

— Tu ne seras pas seule longtemps, regarde là dans ses morceaux d’étangs, il y a tes amies, des milliards d’amies, mais vois-tu, elles sont toutes mariées, unies pour la vie à leur compagnon grain de sel. Ces couples se fondent pour l’éternité dans ses longues étendues d’eau, ces marais salants. C’est l’endroit où tous mes frères et mes amis se marient.

— Moi je suis célibataire, répondit-elle, j’attends la pluie, ce flot de demoiselles, des amies qui me pousseront dans ces longues étendues d’eau, là où tes frères m’attendent, là où je trouverai l’amour.

— Tout près de là, c’est l’océan, et ce n’est pas des milliards, non, c’est beaucoup plus, on ne peut pas compter, c’est trop, c’est un déluge d’amour, des mariages qui n’en finissent pas, des bonheurs infinis, des divorces qui n’existent pas.

— Tu sais, un jour prochain un coup de vent te poussera dans l’eau toute proche et toi aussi tu épouseras ta goutte d’eau et tu trouveras le bonheur.

— Je m’appelle Guérande. Il paraît que je suis d’une race précieuse, celle que l’on met en sachet et que l’on dépose sur les étals des marchés de produits régionaux. Alors je mourrai sous la langue d’un vulgaire gourmet sans avoir seulement connu le bonheur d’embrasser une jolie demoiselle comme toi.

Guérande, sous le soleil de juillet, montre sa terne brillance, se pare de sa rudesse de mâle. Si près de Gouttelette, il ne fallait qu’une légère brise pour qu’il la touche, alors tout à coup il croit en sa chance.

— Raconte-moi ta jeunesse, Gouttelette.

— Je suis née dans les monts de Bretagne, j’ai parcouru toute la Vilaine, j’ai connu l’enfer de l’isolement sur le plastique d’un sceau poissonneux, et puis comme par miracle je viens d’atterrir ici à deux pas de la cour des mariages.

— Dommage que nous ne soyons pas comme les humains, que nous ne puissions nous déplacer par nous-même, je pourrais m’approcher de toi et t’embrasser, tu es si belle.

— Les humains ne savent pas la chance qu’ils ont. Si j’avais des jambes comme eux, je me précipiterais à ta rencontre, et si j’avais des bras, je t’enlacerais. De leurs jambes les humains courent nulle part et partout, de leurs bras ils ne savent que travailler. Leurs lèvres embrassent si peu, elles préfèrent critiquer, râler, calomnier. Leurs cerveaux trop complexes manquent de naturel, c’est pour cela qu’ils passent à côté du bonheur.

— Demain le temps va changer. Il fera beau et chaud, car ce soir le vent est doux et le ciel est rose sur l’océan. Je crains pour toi Gouttelette parce qu’accrochée à ce brin d’argile j’ai peur que tu ne sèches, que tu ne t’évapores à jamais vers le ciel.

Un paludier s’approche, poussant une brouette sur la mosaïque que forment les bassins de cristallisation. Il pose sa brouette à quelques mètres de Guérande et Gouttelette, s’apprêtant à étendre une lousse à la surface de l’eau. La jeune goutte d’eau s’inquiète :

— Ne crains-tu pas que cet instrument cherche à ramasser tes frères ainsi que toi ?

— Mais non. Le paludier a pris sa lousse, c’est qu’il veut juste retirer la fleur de sel à la surface de l’eau du marais. Les grains de sel comme moi, ça ne l’intéresse pas aujourd’hui.

Mais le paludier change d’avis, car le temps n’est pas suffisamment propice à la cueillette de la fleur de sel. Alors il s’empare de son las et commence à drainer le gros sel au fond du bassin et prépare un tas sur le côté.

— Tu vois, tu vas te faire ramasser aussi !

— T’inquiètes, je suis peinard, car je suis à l’écart sur le côté de ce sentier.

Le paludier, muni de sa pelle, remplit sa brouette de gros sel, laissant Guérande tranquille dans son coin. La brouette s’élance sur le sentier, mais elle chavire, se redresse, descend sur le bas-côté tout proche. La roue écrase le pauvre Guérande. Gouttelette s’affole, mais sans jambes, sans même pouvoir tendre de bras, elle fixe de ses beaux yeux clairs et limpides son ami qui git dans l’empreinte de la roue.

Alors que la brouette s’éloigne, Gouttelette, désespérée, pleure Guérande, abandonné là à côté d’elle dans son tombeau d’argile.

 

 

*****

 

 

Le pêcheur, qui tout à l’heure promenait son seau de poissons, revient vers les marais salants. De sa botte il pose le pied sur l’empreinte de la roue de brouette, écrasant au passage le pauvre Guérande pourtant déjà enterré. Gouttelette tout à côté est transportée par la botte. Mais quelle joie pour la jeune goutte d’eau de constater la présence de Guérande à ses côtés ! De son pas appuyé, le pêcheur avait laissé se fixer le grain de sel sous sa semelle. Après un long trajet à pied où les deux amis s’accrochent désespérément à la botte salutaire, le pêcheur parvient à sa maison située en bordure des marais. Il se déchausse au sous-sol et pose ses bottes au pied de l’escalier, laissant Gouttelette et Guérande dans le sombre et la saleté.

Les deux amis passent la nuit à échanger sur leur sort. Que vont-ils devenir ? Guérande, lui, s’en sortira certainement. Livré à lui-même, il restera peut-être encore quelques jours sous cette botte terreuse, et le pêcheur retournera au bord de l’eau et Guérande finira par retrouver l’humidité, une compagne goutte d’eau dans la nature. Gouttelette reste triste, elle sait qu’elle va bien vite sécher sur ce caoutchouc et s’évaporer, à moins que demain matin le pêcheur n’enfile rapidement ses bottes et qu’ainsi elle accompagne Guérande et retrouve suffisamment d’humidité pour ne pas mourir. 

Mais au petit matin la femme du pêcheur, balayant le sous-sol, secoue la paire de bottes. Guérande roule sur le béton. Gouttelette se détache à son tour et glisse jusqu’à presque toucher son ami Guérande. Deux taches sombres sur le visage, des yeux noirs et amoureux regardent Gouttelette. Guérande tend ses lèvres et dépose un délicat baiser sur le visage limpide de son amie.

Brusquement un coup de balai pousse Guérande jusque sur le pas de la porte extérieure du sous-sol restée ouverte tandis que Gouttelette roule jusqu’à une bouche d’égout. Elle chemine dans le caniveau souterrain où elle retrouve d’innombrables consœurs dégoulinantes de graisse, étouffant sous une écume nauséabonde. Dégoûtée, elle mélange ses larmes à l’eau sale. Sa beauté devient grisaille, elle finit sa course parmi la foule dans un bassin de station d’épuration.

Comme l’avait prévu Guérande, ce matin-là le ciel est bleu et le temps est doux. Il avait juste oublié un détail, le vent se lève et souffle fort, si fort qu’il pousse le grain de sel loin de l’entrée du sous-sol. Guérande s’envole de l’autre côté de la route, puis une nouvelle rafale l’entraîne jusque vers les marais. Une dernière bourrasque et il se cale entre ses frères sur un tas de sel en bordure d’un œillet.

Durant cette triste journée venteuse, Gouttelette cachée sous l’écume grise, flotte sur l’eau sale et dans une ronde infernale elle tourbillonne d’un bassin à l’autre. Elle s’arrête enfin près d’autres consœurs propres et brillantes. De nouveau saine et odorante, elle se prépare à dériver vers une rivière pure, vers l’océan, le mariage, la joie. Mais un homme, bottes blanches, veste et pantalon clairs, s’approche du bassin, un flacon à la main. Il se penche en bordure de bassin et recueille un peu d’eau. Gouttelette qui glisse là le long du mur se laisse surprendre et rejoint le flacon avec quantité de ses sœurs. L’homme aux bottes blanches s’engouffre dans un local proche, son bocal à la main. Dans le laboratoire le biologiste s’empare d’un petit panier métallique où se côtoient quelques éprouvettes. D’une main agile, il transvase l’eau de son flacon dans les différents tubes à essai. Gouttelette se laisse guider, accompagnée de ses amies. Bientôt un bouchon de plastique recouvre chaque éprouvette. Alors que le biologiste dépose l’ensemble des éprouvettes dans son panier métallique, Gouttelette prisonnière se faufile entre ces amies jusqu’en bordure de la paroi de verre. Curieuse, elle guette la vie alentour, accompagne son destin.

Quelle bonne initiative que de vouloir coller son nez à la paroi de verre pour voir la route, tout est joli autour d’elle ! Le casier métallique et ses éprouvettes ayant été déposés sur la plage arrière d’une berline, elle peut ainsi admirer, derrière l’autre vitre, la ville de Guérande. La voiture passe ainsi devant la maison du pêcheur, Gouttelette jette un coup d’œil devant la porte du sous-sol. Son chéri n’est plus là. Mon Dieu ! pourvu qu’on ne l’ait pas écrasé ! Derrière la paroi de verre, elle regarde défiler les bassins des marais salants, les œillets gris et le sel blanc. Mais au sommet d’un monceau de sel se détache un grain parmi des millions d’autres. Ces deux grands yeux sombres, cette bouche sensuelle, ces lèvres délicates qui ont osé un baiser sur sa joue l’autre jour, oui c’est bien lui, c’est Guérande. Mais derrière cette double vitre a-t-il seulement reconnu son amie qui s’en va loin de lui, s’en va vers une autre vie. 

La nuit tombe sur les rues de Saint-Nazaire. La berline stationne devant l’entrée d’un laboratoire d’analyses des eaux. Le chimiste s’empare du panier d’éprouvettes, pousse une porte, longe un couloir, pousse une porte, dépose Gouttelette et ses consœurs sur le plan de travail d’une pièce blanche. Dans le noir, Gouttelette se laisse balloter, penche, se redresse, trouve enfin l’équilibre puis s’assoupit à la surface de l’eau. Elle pense à Guérande resté là-bas dans le froid des marais salants. Un coup de vent, une tempête et il échapperait à la ramasse, se dit-elle, il éviterait ainsi la mise en paquet, être vendu sur un étal de marché, esclave à qui l’on demanderait de se pavaner sur une estrade de marchand avant de se laisser choisir par un acheteur aux goûts délicats, par un maître sadique prêt à mordre, écraser, tuer. Ou alors, un coup de vent, une tempête, et Guérande s’envoleraient jusqu’à un ruisseau salé au milieu des marais, il épouserait sa goutte d’eau. Puis le couple dériverait vers l’océan, l’immensité joyeuse. Sois heureux, Guérande ! 

Après ce mélange de rêves et de cauchemars, Gouttelette s’éveille, surprise par la main du chimiste qui s’empare de son éprouvette protectrice et verse le contenu dans un pyrex. Gouttelette s’écoule dans le dangereux récipient et fixe avec horreur l’allumette qui s’approche du brûleur. Bientôt les flammes bleues sautillent sous le pyrex. Dedans ça chauffe, ça brûle, ça bout. Des milliers de gouttes d’eau se tordent de douleur, hurlent. Les premières victimes s’élèvent vers le ciel dans une danse aérienne, se dispersent dans un brouillard inconnu, mélange d’ivresse et de crainte. Gouttelette, sous les brûlures de l’enfer, sursaute, se déforme, rebondit sur les cadavres. Alors qu’il ne reste que quelques gouttes d’eau dans le récipient, le chimiste coupe le brûleur. Perdue sur le sol de verre, Gouttelette, tremblante, mais sauvée de l’enfer, regarde avec ses yeux vitreux le chimiste qui besogne devant son plan de travail. Après quelques minutes il s’approche du pyrex, s’en empare, le dépose dans une caissette avec d’autres flacons, d’autres éprouvettes, d’autres verreries. Gouttelette toujours meurtrie, ballotée dans le fond de son récipient, perdue parmi quelques autres miraculées, se laisse glisser sur le verre, les yeux perdus dans le noir du coffre de la berline. 

 

 

*****

 

 

Après une nuit de soupirs, Gouttelette perçoit le bruit de portes qui claquent, puis des voix d’enfants enthousiastes, des parents qui rient et parlent de week-end. La voiture démarre. Gouttelette comprend que la route sera longue. Vers midi la berline s’arrête enfin. Une brise fraîche des monts d’Auvergne envahit le coffre du véhicule lorsque la porte se soulève. Les parents s’empressent de retirer le panier pique-nique posé là près de la caissette de verres.

— Papa, maman ! on va cueillir des fleurs.

Par la porte du coffre restée ouverte, Gouttelette voit deux fillettes s’évaporer dans la nature à la recherche de légèreté et de couleur. L’une d’elles revient bientôt près du coffre, s’empare du flacon de pyrex où repose Gouttelette.  

— Regarde ce que je viens de récupérer.

— C’est quoi ?

Sa sœur hausse les épaules.

— Tu vois bien que c’est un vase pour mettre les marguerites, c’est maman qui va être contente.

Les deux enfants courent jusqu’au ruisseau tout proche. La fillette qui tient le pyrex s’accroupit au bord de l’eau. Elle présente le flacon sous une cascade qui coule à cet endroit, tel un vase sous un robinet. La gamine est fière de son ingéniosité, mais la force du petit torrent emporte le vase qui se fracasse sur une roche plus loin. Tandis que les fillettes s’en retournent toutes penaudes vers les parents, Gouttelette savoure sa liberté dans la fraîcheur du ruisseau. Au fil de l’eau, elle retrouve sa brillance et son éclat, saute sur les cailloux, pétille sur les bords des marmites, rebondit sur les rochers, glisse sur les galets, plonge avec les truites, invente le ballet des vaguelettes avec ses amies, valse sur la piste cristalline d’un étang. Elle danse ainsi jusque tard dans la nuit puis se pose sur une banquette d’ajoncs. Au petit matin, le courant l’entraîne vers Amboise puis vers l’infini de la peinture océane, elle croit même apercevoir le maître Léonard de Vinci qui flâne dans le parc du château. Joyeuse, elle continue son chemin vers le bonheur, se faufile vers l’eau étale d’un bras du fleuve puis s’assoupit dans le fond de la rivière.

Après un séjour de plusieurs jours et plusieurs nuits au fond de l’eau, Gouttelette perçoit tout à coup le bruit sourd d’un moteur, puis tout s’affole. Ses millions, milliards d’amies autour d’elle sont happés par une force invisible. À son tour, prise dans un tourbillon infernal, elle est projetée avec ses sœurs jusqu’à une immense chambre noire. Plus d’ajoncs, d’œillets sauvages, de verdure qui entourent l’eau, juste une énorme paroi de béton cylindrique.

Les innombrables gouttes d’eau, silencieuses, patientent dans le noir et l’angoisse. Gouttelette se morfond au milieu de ses compagnes avec l’étrange sentiment qu’elle ne connaîtra jamais l’amour et le mariage dans l’océan lointain. Après une journée de patience, Gouttelette sent un étrange mouvement qui l’entraîne doucement dans les profondeurs de l’énorme puits. De descendre toujours et encore elle s’enfonce dans un long entonnoir et parvient jusqu’à l’extrémité du goulot où elle s’écrase contre une porte close. Tout à coup l’ouverture devient ouverture. Emportée par le flot, Gouttelette gicle contre la paroi d’une canalisation. Les infinies gouttes d’eau avancent, tantôt à vive allure, s’arrêtent, tantôt au pas de l’escargot, repartent, on dirait un embouteillage sur l’autoroute du soleil. Mais Gouttelette reste dans le noir et la tristesse, serrée contre ses sœurs et ses amies. Le bouchon s’éternise, de l’autoroute l’eau glisse sur des voies de plus en plus étroites. Gouttelette chemine avec ses amies de longues heures dans le noir des artères de plastique puis s’écrase finalement contre une paroi inox.

Brusquement jaillit la lumière. Gouttelette est emportée hors du robinet et coule dans une gourde transparente. Un homme tient le récipient dans sa main et visse un bouchon à son extrémité. Gouttelette prisonnière passe de l’ombre à la lumière, et curieuse de sa vie nouvelle, observe les lieux. La dame nettoie le plan de travail de la cuisine, le mari se balade autour de la table. Il enfonce finalement la gourde dans un grand sac à dos. Le retour à la lumière est bref, et pour Gouttelette l’ombre va encore s’éterniser.

Ballotée dans sa gourde, ballotée dans le sac à dos, ballotée dans le noir, Gouttelette perçoit la fraîcheur du petit matin, le cri lointain des mouettes, imagine le parfum salé de la marée. Elle se promène longtemps parmi ses amies dans la gourde protectrice sur le dos du randonneur au pas cadencé. Midi, ouf ! le haut du sac à dos se détache et Gouttelette aperçoit un coin de ciel bleu. L’homme sort la gourde, dévisse le bouchon, et penchant la tête en arrière, s’envoie de longues gorgées d’eau fraîche. Chahutée dans le fond du récipient, à la surface de l’eau, se cognant aux parois, Gouttelette voit la mort rôder près des lèvres du randonneur, fixe avec hantise son tombeau, cette bouche humaine qui boit la vie. Mais Téthys, déesse de la mer, dieu hydraulique, ferme les lèvres de l’homme alors que Gouttelette s’avançait vers sa sépulture. Elle s’effondre alors dans le fond de la gourde avec ses amies rescapées. Elle observe la main criminelle collée à la paroi du récipient qui, en un geste, pourrait l’envoyer au fond de l’abîme. La mort rôde toujours puisque le randonneur se balade, sa gourde à la main. Entre les gros doigts, elle observe la rue, là les remparts, ici le café des marais, plus loin la maison des paludiers, elle reconnaît la ville de Guérande pour l’avoir traversée l’autre jour dans la voiture du laborantin.

Le randonneur, la gourde et Gouttelette traversent maintenant le grand marché. Des vêtements, de la bouffe, des produits régionaux, des gens, du monde, que de monde ! Entre deux badauds Gouttelette distingue un étal de produits locaux. Assis derrière la vieille table, s’alanguit un vieux monsieur à l’air marin avec sa casquette marine, dessus la vieille table s’assoupissent des sachets de grains gris. Le cœur de Gouttelette sursaute lorsqu’elle reconnaît son chéri Guérande, serré entre ses frères, collé contre le papier plissé de l’emballage. Le randonneur s’avance vers la vieille table, cause au vieux monsieur, soulève un sachet de sel, Guérande gémit, le randonneur repose le sachet, poursuit sa route. Gouttelette appelle, crie, hurle. Les larmes dans l’eau, elle sait que Guérande n’entend pas. Les yeux sombres du grain gris suivent la silhouette qui s’en va au gré du pas du randonneur. Adieu Gouttelette, adieu Guérande, chacun son chemin, chacun son destin. L’un sur les planches du marchand, l’une dans son cachot transparent, les deux esclaves laissent vivre leur triste sort.

Le randonneur, dans les méandres du marché, revient sur ces pas, il s’avance vers la vieille table, cause au vieux monsieur, se penche sur la vieille table, paye le vieux monsieur, s’en va avec son sachet de grains gris et Guérande aussi. S’emmêlent aussitôt au fond du sac à dos, Guérande et ses frères, Gouttelette et ses sœurs. Dans la nuit du sac, prisonniers du noir, derrière leurs parois insensibles, Gouttelette et Guérande échangent des mots de bonheur, des mots d’amour sans s’entendre, sans espérance. Ce sont juste deux chemins parallèles, deux vies différentes, l’océan si près, si loin, une alliance improbable.

 

 

*****

 

 

Après avoir encore marché longtemps l’homme arrive à la maison, vide son sac à dos, pose le sachet de sel et la gourde sur le plan de cuisine. Le randonneur se transforme rapidement en cuisinier, dresse une casserole sur la plaque de cuisson. Une simple pression de l’index et la plaque rougit, la casserole réclame des aliments. Le cuisinier vide ce qui reste du contenu de sa gourde dans la cocotte déjà chaude, ajoute un peu de sel et Guérande rejoint sur le feu son amie Gouttelette. Drôle de fusion, drôle de mélange, drôle de mariage ! L’instant d’un baiser brûlant, et Gouttelette et Guérande s’enlacent trop vite dans la souffrance, une horrible souffrance, bientôt la mort. Oh non ! des retrouvailles improbables et presque aussitôt une mort absurde, injuste. Deux mariés devant l’autel échangent les alliances et l’église s’enflamme, la famille agonise, les filles s’envolent dans les nuages, les garçons ne seront bientôt que cadavres sur les pavés de la maison de Dieu.

— Mais que fais-tu là mon pauvre mari ! on ne s’improvise pas cuisinier ainsi, on ne balance pas de l’eau souillée de la gourde où tu as bavé pour cuire des pâtes, c’est dégueu !    

Dans la foulée du reproche l’épouse jette l’eau salée dans l’évier. Guérande et Gouttelette, brûlant de douleurs, tombent sur le froid de l’inox, s’engouffrent dans le siphon, rebondissent le long d’une canalisation, glissent enfin jusqu’au fleuve.

Après cette brûlante cérémonie de mariage, le couple passe la nuit de noces dans la fraîcheur des graviers de l’estuaire de la Loire. Le voyage de noces commence à Saint-Nazaire, le couple embarque pour une aventure immortelle à la surface de l’océan, entouré d’amoureux infinis. Guérande et Gouttelette, fusionnés dans l’enfer, se fondent maintenant dans une félicité éternelle. Les larmes de bonheur de Gouttelette se mélangent à l’eau de mer, Guérande s’évanouit de joie et disparait dans les bras de son épouse. Ils se laissent entrainer ainsi par le courant, la marée, le vent, et vogue la vie.

Après plusieurs semaines à flotter en pleine mer sous le soleil, sous la pluie, sous le vent, à plonger en compagnie des dauphins, des requins, de mille autres poissons, en milieu de matinée Guérande et Gouttelette distinguent à l’horizon les cheminées d’un paquebot. Les puissants moteurs poussent le bateau dans leur direction, et le vent complice entraîne les deux amants vers le navire. En fin de journée, alors que Gouttelette et Guérande sont à moins d’une encablure du bateau surgit une baleine. L’impressionnant mouvement à la surface de l’océan projette d’innombrables gouttes salées dans l’air. La plupart retombent à la mer, certaines s’entassent sur le dos de la baleine, d’autres s’écrasent sur le pont du navire. Le couple Gouttelette et Guérande s’effondre sur le plancher à la proue du paquebot.

Le ciel est bleu, le soleil brille, il fait chaud. Guérande et Gouttelette s’enlacent, d’autres couples se prélassent auprès d’eux, marins et touristes vont et viennent sur le plancher, leurs souliers frôlant les amants, écrasant d’autres couples qui s’inclinent sans pleurer et se redressent derrière la chaussure du marin, comme si la douleur du poids du pied sur leurs corps humides les laissait indifférents. D’autres mariés sont emmenés par les semelles. Ils dégringolent des escaliers et s’en vont croupir dans la cale ou s’endorment dans une cabine de touristes.

Guérande et Gouttelette, unis dans le même corps, humide d’amour, fixent le soleil trop vif, craignent le pire. Il ne faudrait pas que l’astre endiablé jette trop longtemps ses flammes infernales sur cet océan trop joyeux, ce pont trop sec, ces amants trop anxieux jusqu’à laisser s’évaporer Gouttelette. Elle rejoindrait alors l’atmosphère, l’éther, la mort, l’éternité, ne deviendrait qu’une invisible parcelle d’un nuage d’atomes, laissant désemparé sur le pont du paquebot le pauvre Guérande. Non, personne n’a le droit d’abréger une si belle lune de miel, même pas Dieu !  

L’océan est calme, le bateau reste désespérément stable, laissant Guérande et Gouttelette en plein soleil, même pas un léger tangage ou un maigre roulis qui glisseraient les amants à l’ombre derrière une planche du bateau ou mieux, les pousseraient vers un compartiment non étanche où ils retrouveraient l’humidité, se noieraient dans une flaque quelconque pour mieux respirer, attendraient des jours meilleurs, un jour d’orage, une lame de fond qui viendrait les chercher pour les emmener à nouveau vers cette vie heureuse au milieu des flots amoureux. Mais le méchant ciel bleu s’acharne au-dessus de leurs têtes, le soleil nargue, poursuit son travail de sape. Gouttelette se meurt, Guérande redessine doucement sa vie de célibataire. Les deux corps qui se confondaient dans le bonheur depuis trop peu de temps se séparent irrémédiablement sous la cruauté d’un ciel sans nuages et d’un soleil scélérat.

Vers midi Guérande retrouve sa couleur grise, ses yeux noirs, son corps inerte, mais vivant. Sa chérie s’envole sans un cri, sans une goutte de sanglots vers le ciel bleu. Lors des jours heureux Guérande se servaient des larmes de Gouttelette pour pleurer de joie dans leurs corps unis, maintenant ses yeux secs regardent le soleil criminel, alors il prie le ciel pour que le pied d’un marin écrase son corps cristallin, se disperse en mille morceaux, autant de petits grains de lui qui continueraient de vivre sans lui. L’ombre d’un soulier passe près de lui sans le toucher, Guérande regarde une nouvelle fois le ciel, devine les atomes et Gouttelette. Ce soir il fera nuit, demain le soleil maudit brillera, Guérande le verra encore plus infâme sans son amour à ses côtés. Le grain de sel n’a pas envie de refaire sa vie et pourtant, un jour l’orage viendra, l’emportera vers les flots contre son gré, mais il veut juste mourir, rejoindre sa chérie.

Les jours passent, le soleil s’acharne. Guérande, les yeux secs et tristes, espère toujours la lourde chaussure du marin sur son corps. Ce sont les nuages qui passent au-dessus de lui, ils cachent le ciel couleur bleu infâme, voile le soleil jaune couleur des traîtres. La pluie, source de joie, tombe enfin. C’est la revanche de la vie. Les atomes se sont réunis dans le ciel, ils ont discuté entre eux, ils se sont unis. Alors des milliards et des milliards, et encore des milliards de gouttes d’eau tombent dans l’océan, d’autres sur le pont du paquebot, l’une s’accroche à Guérande, l’enlace, l’embrasse. Les atomes viennent d’engendrer un nouveau rêve, ils ont réveillé Gouttelette.

 

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