mardi 2 avril 2024

"CLOCHE D'OR : Entre richesse et simplicité, un plaidoyer pour le bonheur authentique"

 


Cloche d'or : Une Histoire de Contrastes entre
Richesse Matérielle et Bonheur Simple


Dans les méandres de la vie moderne, une histoire singulière émerge, celle de Cloche d'or, un personnage atypique au cœur d'un roman qui soulève des questions profondes sur la nature humaine et la quête du bonheur. Inspirée des contrastes entre la richesse matérielle et le bonheur simple, cette saga captivante nous plonge dans un monde où les apparences trompeuses cachent souvent la vérité la plus fondamentale.




Au cœur de l'intrigue se trouve Dariane, une publicitaire parisienne ambitieuse, dont la rencontre fortuite avec Cloche d'or, un clochard au charme mystérieux, va bouleverser sa vision du monde. Alors qu'elle cherche désespérément un visage pour une campagne publicitaire audacieuse, Dariane découvre en Cloche d'or une opportunité inattendue. Mais derrière l'apparence de misère se cache une richesse intérieure insoupçonnée, une sagesse née de la simplicité et de la communion avec la nature.

Le récit nous transporte dans les méandres de la vie de Cloche d'or, un homme qui a choisi de vivre loin des artifices de la société moderne, dans les bois et les prairies de sa Franche-Comté natale. Au-delà des feux des projecteurs et des artifices de la vie urbaine, il trouve son bonheur dans les petites joies de la nature, dans la fraîcheur du vent et le chant des oiseaux.

Pendant ce temps, Dariane se débat avec les défis de sa vie citadine, confrontée à l'avidité et à la superficialité de ceux qui l'entourent. Alors qu'elle se laisse séduire par la promesse de richesse et de succès, elle réalise peu à peu que le véritable bonheur ne se trouve pas dans les paillettes et les strass, mais dans la simplicité et l'authenticité.

Au fil des pages, le roman dénonce les dérives d'une société obsédée par la richesse matérielle et le paraître, mettant en lumière le contraste frappant entre ceux qui ont tout et ceux qui n'ont rien. À travers les yeux de Cloche d'or, nous découvrons la véritable essence du bonheur, celle qui se trouve dans les choses simples de la vie, dans la beauté de la nature et dans la sincérité des relations humaines.

En conclusion, "Cloche d'or" est bien plus qu'un simple roman ; c'est un cri d'alarme contre les excès de notre société moderne, un rappel poignant de l'importance de revenir à l'essentiel et de trouver le bonheur dans les choses simples. Dans un monde obsédé par la richesse et la célébrité, il est rafraîchissant de se plonger dans l'histoire inspirante de Cloche d'or, un homme qui a su trouver la vraie richesse dans la simplicité de la vie quotidienne.

Voici ci-dessous, un extrait du roman "Cloche d'or" :

(ATTENTION, le texte ci-dessous est une reprise partielle en PDF du début du roman. la structure des chapitres s'en trouve perturbée et le texte manque d'aération. Par contre le roman distribué en EBOOK ou en broché est, bien entendu, structuré correctement pour une lecture adéquate, comme tout livre qui se respecte.)

Chapitre 1

"Les artistes ont-ils autant de besoins ? Vedettes nationales reconnues, voire internationales, faut-il qu’elles grattent encore de l’argent en se montrant dans des pubs à la télé ? Du fric, du pèze, du pognon, toujours plus ! Ainsi interrogeait Dariane, cadre dans une agence publicitaire parisienne. Ses yeux bleus finement maquillés fixaient l’un après l’autre ses collègues assis autour de la table de la salle de réunion. Dominique, le patron de l’agence brisa le silence après l’instant de réflexion générale : — Quel message veux-tu faire passer, s’il te plait, Dariane ? La jeune trentenaire, ses cheveux blonds frôlant son cou et sa nuque, se leva et s’avança vers l’écran plat qui recouvrait tout le mur du fond, comme une élève qui doit s’expliquer devant le grand tableau noir. Elle s’exprima d’une voix décidée : — Un artiste est riche, nul besoin de l’enrichir encore plus, ce n’est pas notre rôle. Je sais que c’est utile pour notre agence, c’est vrai que le public s’approprie l’image de la célébrité, accepte plus facilement le message publicitaire. Puisque Georges Clooney boit ce café, c’est qu’il doit être bon. OK, je comprends, mais notre époque demande des valeurs. De plus en plus de monde souhaite de l’écologie, de la solidarité. Ne nous trompons pas. Notre clientèle attend de la créativité. Le public devant sa télévision, s’il est encore abruti par toutes ces publicités, est prêt à accepter celles-ci lorsque cela correspond à ses valeurs. À part les admirateurs de télé-réalité, les gens veulent frissonner sur des images qui les interpellent vraiment. Haro sur la richesse infernale que le public ne veut plus. Vive la solidarité !

Sur sa chaise Edouard écoutait d’une oreille, admirait les mollets de sa collègue. Il ne voyait malheureusement pas les jambes dans son entier, les cuisses de Dariane étant cachées par une jupe serrée qui tombait en marge des genoux.

— Édouard, on dirait que tu ne m’écoutes pas. Je parle de solidarité, c’est important. — Justement, j’étais en train d’imaginer les différentes formes de solidarités possibles. Dariane sourit et poursuivit : — Ces dizaines de milliers d’euros, voire centaines de milliers d’euros pour le tournage d’un clip, ce fric ne pourrait-il pas rejoindre la poche d’un pauvre, d’un SDF, d’un vagabond, d’un clochard ? Brouhaha général dans la salle. Mais comme tout ce petit monde savait se tenir, après le choc de la proposition, chacun prit la parole à son tour. En patron qui se respecte, Dominique donna son avis en premier, et son sentiment serait certainement écouté. — Proposition à réfléchir, bien que je n’y croie pas : manque d’expérience de l’acteur, trop longue formation. Quel clochard serait capable de tourner dans nos studios ? L’idée est ingénieuse et c’est vrai que l’on trouverait des annonceurs de type société solidaire qui seraient partants. Mais pour passer à la télé, ce n’est pas gagné ! La grimace qui suivit signifiait encore mieux sa réponse négative. Bien sûr quatre autres collègues suivirent la décision du patron. Le chef de production proposa une publicité sélective pour une région, histoire de tâter le terrain. Seul Edouard approuva totalement les arguments de Dariane. Il contemplait la naissance des seins sous le chemisier de sa collègue, puis son déhanché lorsqu’elle vint s’asseoir à sa place en face de lui. Edouard se pencha vers elle. — Après la réunion, viens boire un café avec moi au « Charleston », on causera de ta proposition. — Si c’est vraiment pour parler boulot, OK, sourit elle. Edouard laissa passer Dariane devant lui sur le trottoir. Ce bien-portant se dandinait tellement derrière sa collègue que l’on voyait son abondante barbe noire trembler dans le vent printanier. Ils s’installèrent à une table du bar devant la baie vitrée et commandèrent leurs cafés. — Ton mari est mon grand copain depuis de longues années. C’est un peu à cause de moi d’ailleurs que tu l’as épousé. Il fixa Dariane dans les yeux et ajouta sur le ton de la plaisanterie : — Pour mon plus grand malheur. Elle retira ses lunettes tendance qu’elle posa sur la table. — Arrête avec ça, tu sais bien que je ne voulais pas de toi, tu n’es pas mon genre. Seule sur une ile déserte j’aurais peut-être craqué, on aurait passé de bons Cloche d’Or moments de franches rigolades avec un boutentrain comme toi. — Justement mon rêve est d’être Robinson Crusoé. Un beau jour une jeune princesse blonde accosterait sur mon ile en marchant sur l’eau, s’avancerait vers moi dans sa robe blanche, me présenterait l’alliance, me passerait la bague au doigt et m’enlacerait, m’embrasserait et l’on vivrait d’amour et d’eau fraiche. — Je croyais que tu m’avais invitée à boire un café pour parler de mon idée. Edouard se redressa sur sa chaise. — Je défendrai ta proposition au sein de l’agence. Il faut que cela fasse écho auprès des collègues. On doit convaincre le patron. Pour en revenir à ton mari, puisqu’il travaille dans une société de conseils marketing et informatique reconnue nationalement, et qui plus est, où la valeur de solidarité est mise en avant, et comme il est adjoint, il peut attendrir sa superbe patronne pour accepter le projet. Le mot « attendrir » pinça le cœur de Dariane, elle qui restait toujours méfiante vis-à-vis de cette Gaëlle, véritable bombe, taille et visage mannequin, mariée certes, mais tellement désirée par tous ces mecs, y compris son mari. Elle savait que ces porcs en chaleur tournaient tous autour d’elle dans les bureaux de la société. Dariane se redressa à son tour sur sa chaise. — Tu as raison, et j’y avais déjà songé. Je vais en parler dès ce soir à Eddy, je suis certaine qu’il saura convaincre sa patronne. Sur cette dernière phrase, elle montra un sourire amer. Puis après avoir discuté encore une bonne heure du Cloche d’Or bien fondé de cet esprit solidaire, du désir de se mettre à la recherche d’un vagabond dans les rues parisiennes ou même du métro, ils se séparèrent, une bise sur les deux joues. Dans le luxueux appartement du quartier de La Muette, Eddy se courbait sur un dossier urgent pour son boulot. Assis en bout de table de la salle à manger, il sentit la main de sa femme se poser sur son épaule. Il se retourna, elle l’embrassa sur le front, puis retira son gilet qu’elle lança sur la banquette. — Salut Eddy, ce fut une journée éprouvante à l’agence. J’ai fait une proposition concernant l’approche de la publicité à la télévision et j’ai du mal à convaincre les collègues, et même le patron. Seul ton ami Edouard me soutient. Elle vint s’asseoir en face d’Eddy et lui sourit. — Tu peux m’aider dans mon projet, ce serait dans l’intérêt de nos deux boites. Dariane reprit son exposé qu’elle avait présenté le matin même à son agence, insista sur le côté innovant de cette publicité avec un clochard à la une, de l’intérêt pour la société SMS@, là où travaillait son mari, mais aussi pour marquer l’esprit du consommateur. En cette fraiche journée printanière, Eddy avait déjà pris sa douche du soir et restait vêtu d’un peignoir argenté. — Je ne suis pas certain du succès que tu promets, le consommateur a besoin d’être mis en valeur. Un clip publicitaire doit marquer les esprits en trente secondes, voire quinze. Comment un SDF peut-il faire passer le message de la qualité d’un produit ? — Ne parle pas de ce que tu ne connais pas, s’agaça son épouse. Tu voudrais m’expliquer mon métier, occupe toi plutôt correctement du tien. Avant même qu’Eddy ne réponde, elle regretta son emportement. — Désolée, je n’aurais pas dû te dire cela, mais vois-tu, je tiens tellement à ce projet que… que j’ai du mal à accepter les objections. À part ton ami Edouard, je n’ai aucun soutien. J’espérais au moins que mon mari… Le beau quadragénaire aux cheveux châtains courts allongea sa haute silhouette fine que le peignoir semblait épaissir et se servit un scotch sur le mini bar. — Depuis quelques semaines, tu ne sais plus me parler gentiment, j’en ai pris l’habitude. Tu deviens agressive et tu n’acceptes aucune contrariété, surtout si elles viennent de moi. Ce n’est pas ainsi que tu vas m’associer à tes projets. Ce n’est pas par une attitude dédaigneuse que tu gagneras tes challenges. Dariane bondit de sa chaise et s’approcha du mini bar. — Merci de ne pas me proposer de boisson. Vois tu, c’est cela que j’appelle du dédain. Elle se servit elle-même un Porto. Eddy tendit son paquet de Marlboro. Elle tira une cigarette, son mari fit de même. Ils s’approchèrent de la terrasse, leurs avant-bras posés sur la balustrade. Plus serein l’un et l’autre, ils reprirent leur conversation commerciale. Aucune conclusion positive ne sortit de la fraicheur de la terrasse. Ils rentrèrent ensemble dans la pièce à vivre. Dariane partit en cuisine préparer un minimum pour la soirée, appela les deux enfants qui se chamaillaient dans une des chambres à coucher. Devant la plaque de cuisson, elle se rappelait les jours d’amour avec Eddy, ils semblaient déjà loin, mais toujours son projet en tête, elle se dit que les hommes sont tous les mêmes, et ce soir au lit Eddy finirait bien par se rallier à son projet tout comme il saurait s’unir à son corps de jeune femme qu’il avait tant désiré. Les deux enfants couchés, le couple sortit en chœur de la salle de bain, visiblement plus détendu. Eddy, remarquant l’air coquin de son épouse, s’en alla rejoindre le lit qui lui tendait les bras. Nu sous les draps, il attendit que Dariane retire son déshabillé, ruminant son plaisir à venir. Elle se glissa à son tour sous la couette et se colla au corps de son mari, ce qu’elle n’avait pas osé depuis de longs jours. L’amour initié par Dariane, les préliminaires voulus par la jolie blonde, la sensualité et la tendresse de la jeune femme neuf ans plus jeune que son époux achevèrent de transformer l’esprit du mâle, tout comme son sexe. Sur l’oreiller il accepta tout, aussi bien le projet de Dariane que la volupté qu’elle venait de lui offrir. Repu de son plaisir, il se redressa, caressa la joue de sa femme qui regardait le plafond sous la lumière des spots. — C’était bien… et toi ? — Moi aussi, il y avait si longtemps, ronronna-telle. — Je plaiderai pour ton projet auprès de ma patronne. Mais pour mieux la convaincre, il serait bon d’associer à la valeur solidaire le côté féministe. Gaëlle y est sensible. Une clocharde lui conviendrait mieux. Qu’en penses-tu ? Cloche d’Or — Pourquoi pas, si cela peut la décider, d’autant que mon patron adhère également à cette cause. Maintenant on dort, je suis fatiguée, bonne nuit. Marceau, six ans, ne dormait pas, heureux d’avoir reconnu les plaintes et les soupirs trop longtemps contenus derrière la cloison de la chambre des parents. La benjamine âgée de quatre ans sommeillait depuis longtemps. 2

Une grosse demi-heure de métro pour rejoindre le quartier de la Défense et Dariane atteignait les bureaux de l’agence « VERPUB ». Dans le hall d’entrée, elle s’attarda le temps d’une bise sur la joue d’Edouard qui buvait son café dans une banquette de cuir laiteux, elle grimpa le large escalier de marbre, traversa la salle de travail. Quatre bureaux jumelés, accompagnés chacun de trois ordinateurs, se côtoyaient devant une baie vitrée qui donnait sur l’esplanade de la Défense. La lumière du soleil levant à travers les vitres accentua le sourire de Dariane. Elle salua deux collègues assis devant leurs écrans, frappa à la porte du bureau de Dominique et déposa une bise sonore sur la joue de son patron. — Je viens insister auprès de toi sur ma proposition lors de notre précédente réunion de travail. Dominique montra du doigt une chaise, et son employée s’assit en face de son patron. — Vois-tu Dominique, j’ai beaucoup discuté de cette histoire avec mon mari. Eddy doit parler aujourd’hui même à sa patronne. Il est persuadé qu’elle sera d’accord, mais Gaëlle serait certainement partante s’il s’agissait plutôt d’une clocharde. À vérifier. Ne serais-tu pas d’accord d’approuver ce projet ? Qu’il soit content ou qu’il soit indifférent, Dominique se frottait souvent les mains avant d’entamer un dialogue, non pas un simple va-et-vient de ses doigts serrés, mais carrément un mouvement circulaire de plusieurs secondes comme s’il passait ses mains savonneuses sous un robinet d’eau tiède. À la question de Dariane, il insista sur sa manie tout en posant son regard doux brun dans les yeux bleus de Dariane. — Depuis la semaine passée, ma réflexion a évolué. Et si Gaëlle répond favorablement, surtout pour une clocharde, alors, je serais partant puisque moi aussi, je pencherais pour le côté féminin, histoire d’être à la page, voire de sublimer l’affiche, un bébé qui pleurniche dans les bras de la pauvre femme. — Peut-être ne pas trop en faire pour une première. Si notre coup d’essai est un coup de maître alors il sera toujours temps de faire évoluer notre spot. Ils discutèrent encore un long moment. Pour Dariane ce serait un coup de génie, pour Dominique, plus prudent, un coup d’essai. L’entretien s’acheva sur l’aspect financier. — Pour une grande vedette de cinéma ou de la chanson, on offre environ cinq cent mille euros pour la préparation d’un clip. Faudrait diviser la valeur par trois pour un clochard. Disons… cent cinquante mille euros. — Tu rigoles, Dominique, la valeur d’un humain ne se négocie pas. Si je propose un SDF à la place d’un artiste, j’estime que le gain doit être identique. C’est justement cela qui fera la force de notre publicité. — Le consommateur ignore les dessous du contrat. Il ne connait pas les coûts du tournage de notre clip ni les conséquences financières sur nos acteurs. — Dans son inconscient, le consommateur comprend que l’artiste accumule les richesses, même si dans l’immédiateté de l’image publicitaire il s’en fiche souvent. Dans le message publicitaire du clochard, il faut justement réveiller la conscience du consommateur. Une voix off peut par exemple suggérer le côté financier de la pub, même si ce n’est pas habituel. Le téléspectateur y serait sensible, j’en suis certaine. Ou même un message écrit en fin de spot, comme une annonce officielle informant de l’intérêt à aider une personne pauvre. Il faut en finir avec l’hypocrisie, la sincérité payera ! — Pour en revenir au nerf de la guerre, cinq cent mille euros pour une clocharde c’est beaucoup. Contrairement à un acteur qui maitrise son métier, un clochard ou une clocharde demandera une préparation plus longue, une formation, ce qui n’est pas gagné d’avance, sans parler du coût pour dénicher la perle rare. Dariane se leva et ajouta, comme pour clore la conversation : — D’accord, on peut baisser de cinquante ou cent mille euros, mais il faut au moins que ce vagabond hérite d’une belle somme, et tu verras, Dominique, le retour sur investissement sera gagnant. Dominique, patron affable, répondit d’un hochement de tête. Dariane rejoignit l’espace détente au rez-de-chaussée, sûre d’y retrouver Edouard devant un énième petit noir. En s’approchant de lui, elle serra le poing droit, et d’une secousse de son avant-bras vers le bas, son collègue comprit que Dariane avait gagné la partie. — Ne reste plus qu’à convaincre notre cliente, dit la jeune femme en s’approchant de la machine à café. Edouard qui la serrait d’un peu trop près, faisant mine de l’aider dans le positionnement du gobelet sous le bec du percolateur, montra ses dents blanches. — Tu parles comment qu’Eddy va te la manipuler, la jolie Gaëlle, connaissant le macho, il saura trouver les bons arguments ! Dariane se retourna et montra un air pincé. — On est d’accord, tu parles bien de mon mari, là ? Cela ne me fait pas rire. — Tu sais bien que je déconne. — Justement, tu déconnes trop souvent sans même réfléchir à ton humour un peu lourd. Trois tours plus au nord, Eddy, planté lui aussi devant une machine à café, patientait debout, son gobelet brulant entre les mains. Il connaissait l’heure précise où Gaëlle le rejoindrait. La patronne et son directeur adjoint aimaient aborder les sujets sensibles autour de l’ambiance de la pause détente. Un horaire bien à eux, dix-heures trente. Les autres collègues évitaient ce moment-là, sachant que le couple dirigeant discutait de choses qui demandaient un minimum de confidence. Comme chaque matin, il la vit s’avancer depuis l’autre bout du large couloir blanc. Toujours élégante, elle portait ce jour-là un chemisier crème parsemé d’écailles bleues sans brillance, une jupe trois-quarts vieux rose laissant deviner de séduisants mollets. Les longs cheveux blonds de la trentenaire dégageaient l’oreille droite où le lobe se cachait derrière une boucle argentée. Ses chaussures à talons rehaussaient encore cette grande femme. Chaque matin Eddy croyait découvrir un nouveau mannequin. Et chaque matin, sûr de sa belle personne, Eddy se disait que son physique et son charme correspondaient parfaitement à cette bombe, qui toujours, lui refusait des avances à peine déguisées. Les yeux bleus de Gaëlle, habitués à la curiosité, semblaient vérifier la propreté du carrelage, les nuances entre le jour artificiel et les rayons de soleil qui s’infiltraient par la fenêtre. Son regard se tourna enfin sur la tenue vestimentaire de son adjoint, elle tentait de percer les intentions profondes de son employé écrites dans ses yeux azur. Gaëlle ne savait jamais si le sérieux de son adjoint correspondait à l’envie de sa féminité ou à une réelle soif du travail bien accompli. Peut-être les deux. — Tu es toujours très élégant, Eddy, ce costume te va à merveille. Est-ce Dariane qui t’habille ? — Disons qu’elle me conseille. Quant à toi, Gaëlle, tu restes la plus charmante des femmes de toute la tour. — Tu m’as glissé deux mots ce matin sur l’audacieuse proposition de ta femme. J’ai réfléchi. Pourquoi pas, mais je suis pareille que le patron de l’agence publicitaire, tu connais mon côté féministe, il est évident que je préfèrerais que l’on recherche une clocharde. On associerait dans notre publicité, solidarité, féminisme, et pourquoi pas, un côté écologiste. Eddy jeta son gobelet dans la poubelle inox. — Je suis heureux que tu sois partante pour ce projet. — Pas si vite. Il faut bien étudier la chose. L’aspect financier parait intéressant. Le spot couterait nettement moins cher, mais sommes-nous certains de la pertinence de la relation entre notre métier de soutien aux entreprises et un clochard tombé de nulle part ? Eddy plissa le front. — Dariane souhaite que l’on attribue la même somme d’argent à un vagabond qu’à un artiste, principe d’équité, dit-elle. Gaëlle prit le temps de la réflexion, son regard dans les yeux de son adjoint. — Ta femme a peut-être raison. Il faudrait que tu proposes un rendez-vous avec le patron de l’agence VERPUB afin que l’on puisse avancer sur ce projet. Je pense que nous pouvons mettre pas mal de billes dans ce genre de spot télé, cela peut permettre un bon retour sur investissement. — À vérifier si les chaines de télé acceptent ce challenge. — À partir de l’instant où l’on respecte la déontologie de l’audiovisuel, je ne vois pas ce qui l’en empêcherait. Quoiqu’il en soit, cela relève de la compétence de VERPUB. Midi sonnait qu’Eddy sortait de sa société de marketing informatique SMS@. Julie, jeune fille à l’épaisse crinière noire, petite, attendait sur le trottoir d’en face. Il se dirigea vers elle. Le couple s’installa dans un restaurant à l’écart du quartier de la Défense. Tout juste assis, Eddy prit la main de la jeune fille, l’approcha de sa bouche et caressa de ses lèvres les doigts féminins. 3

Nouvelle réunion à l’agence publicitaire en cette fin de semaine ensoleillée. Gaëlle participait en tant qu’annonceuse et sa présence serait déterminante puisque c’était sa société qui devait cracher au bassinet. Dans les sobres mais riches bureaux de VERPUB, elle donna sa vision d’entrée de jeux : — Vous êtes les professionnels de la publicité, je ne vais donc pas vous apprendre votre métier. J’accepte l’audacieuse proposition de votre agence avec en tête d’affiche un vrai clochard. Cependant voici mes conditions : première condition, un tarif payé correctement, soit l’équivalent d’un contrat sur sept spots publicitaires pour cinq cent mille euros, ce que toucherait un artiste bien connu en France. Deuxième condition, que votre message publicitaire explicite la rétribution financière de l’artiste et du clochard, troisième condition, je souhaite que ce soit une clocharde, quatrième et dernière condition, que l’accent soit porté sur l’aspect solidarité qui correspond à la valeur essentielle de ma société. — Il faudrait prévoir des coûts supplémentaires pour la formation d’une clocharde méconnue. Ces genslà sont loin du charisme d’un acteur ou d’un chanteur. — Votre rôle n’est-il pas de mettre en valeur votre vedette principale ? Et ne croyez-vous pas qu’un ou une clocharde n’a pas un charisme à sa façon ? Quoi qu’il en soit, j’offre cinq cent mille euros tout compris, à vous de prendre en charge les frais annexes, il faut que votre figurant perçoive la somme intégrale. Cloche d’Or L’autorité de Gaëlle avait parlé. Une cliente fidèle, cela se respecte. De ses mains, Dominique joua du tambour sur son gros ventre et s’enfonça dans son siège. — Vos valeurs correspondent aux miennes, ce sera d’autant plus facile pour mon équipe à réaliser ce spot orienté féminisme et solidarité. OK pour vos conditions. Il fit pivoter son fauteuil. — À toi de jouer Dariane, je te laisse une semaine pour me dégoter la clocharde idéale qui saura jouer la fée princesse des temps modernes. Treize heures, Gaëlle et son adjoint Eddy accompagnaient Dominique et son directeur artistique ainsi que Dariane sur l’esplanade du général de Gaulle à la Défense. Ils s’installèrent autour d’une table ronde d’un restaurant chic du quartier. La patronne de SMS@ s’approcha de la table, guidée par Eddy qui retirait une chaise pour inviter Gaëlle à s’asseoir. Sa femme regardait d’un mauvais oeil la démarche de son mari. Était-ce de la galanterie mal venue ou un classique léchage de bottes bien connu de son époux ? Elle s’assied à côté de Gaëlle. Eddy retira son manteau trois-quarts qu’il laissa dans les mains d’une serveuse et s’installa en face des deux femmes. La discussion s’anima autour des enjeux de ce clip publicitaire original où deux collègues devaient se partager l’essentiel de la tâche : au directeur artistique de jouer le bon metteur en scène, à Dariane de trouver la perle rare et de la former. Durant tout le repas, Eddy imagina les longues jambes de sa patronne qui s’élançaient hors de la robe salopette croisée. Cela le démangeait de bousculer de ses pieds les chaussures de Gaëlle. Dariane n’aurait pas été assise à cette table, aurait-il osé ? Pas sûr. Il se croyait gentleman, mais bavait devant la classe et la beauté de sa patronne. Il minauda jusqu’à ce que l’on serve le café, déclarant que Dariane aurait tôt fait de dénicher la perle rare, cirant les pompes de Dominique, sans oublier Gaëlle dont la clairvoyance ne la trompait jamais, disait-il. Gaëlle sourit à Dariane : — Comment comptes-tu aborder ta SDF, et surtout qu’elle genre de clocharde vas-tu rechercher ? Le petit noir brulait la langue de Dariane. Elle reposa sa tasse sur la nappe de coton, puis chercha sa réponse. Elle commencerait par déambuler dans les couloirs du métro, continuerait par les allées du bois de Vincennes et les trottoirs fréquentés des 18e et 19e arrondissements. Avec tous ces pauvres sans-abris, elle se faisait fort de sortir de la misère une belle personne qui le méritait tout autant que Gad Elmaleh ou Jean Reno. Entre deux réponses Dariane ruminait la vengeance des SDF face aux artistes, les débris écraseraient bientôt les paillettes. Après ce genre de spot publicitaire bien amené, la conscience du consommateur s’éveillerait, les célébrités disparaitraient ou retrouveraient leur véritable nature bohème et les SDF iraient applaudir leurs idoles dans les festivals. Pour aborder la future élue, rien de plus simple, Dariane resterait elle-même, une fille discrète, mais avenante, ouverte d’esprit et sans aucun préjugé. Ce fut Eddy qui se leva le premier pour rejoindre les bureaux de l’entreprise SMS@, justifiant son tempérament lèche-botte. Il tira sur sa veste bleue, histoire de faire disparaitre un faux pli qui n’existait pas, rajusta sa cravate, caressa sa barbe naissante et sortit sur les dalles extérieures en compagnie de sa femme. Côte à côte, tous deux s’évitaient du regard, les yeux voilés par la fumée des News. L’oeil d’Eddy biaisait discrètement vers le visage de Gaëlle qui venait de les rejoindre, celui de Dariane observait les vitrines des boutiques de vêtements de l’autre côté de la rue. 4

Début mai, en cette fin de journée, Dariane s’engouffra dans la bouche de métro « La Muette » sous une chaleur orageuse. Elle s’arrêta à « Château Rouge », mais ne trouva pas de clochardes ni même de clochards. La jeune publicitaire remonta dans une rame et sortit à Barbès Rochechouart. Une vieille rabougrie, la chevelure grise mal cachée derrière un foulard sans couleur, assise et le dos contre la faïence, leva à peine la tête lorsque Dariane voulut lui causer, mais elle tendit son bras et présenta le creux de sa main sous le regard de la publicitaire. — P’tite pièce… p’tite pièce… — Bonjour, comment allez-vous ? — P’tite pièce… p’tite pièce… Dariane s’accroupit devant la SDF. — J’aimerais vous aider, madame. — P’tite pièce… p’tite pièce… Dariane se releva pour fouiller dans sa poche de jean puis s’accroupit à nouveau devant la pauvre vieille, déposa deux euros dans le caquelon de zinc posé sur le béton. — Y a-t-il longtemps que vous êtes là ? — La petite vieille fit un signe de tête et reprit sa litanie. — P’tite pièce… — Je veux bien vous donner une autre pièce, mais il faut que l’on puisse discuter un peu toutes les deux. — P’tite pièce… — Pourquoi faites-vous la manche ? — P’tite pièce… Dariane s’assit sur le béton près de la clocharde et resta un long moment à ses côtés. L’attitude désinvolte de Dariane ne perturbait même pas la petite vieille qui continuait de tendre sa main trop maigre aux passants. À plusieurs reprises, la jeune fille tenta une ou deux questions, mais toujours la même réponse. — P’tite pièce… Dariane se leva en soupirant. — Eh bien, c’est pas gagné ! Elle glissa une seconde pièce dans la gamelle puis attendit la prochaine rame. Métro Gare Du Nord, elle poursuivit ses recherches. Sans résultat. Elle s’attarda dans le grand hall de gare et rencontra une SDF dans un couloir souterrain annexe. Plus jeune que la précédente, les cheveux raides et longs qui recouvraient une partie du front, la clocharde grattait les cordes d’une guitare sèche. La mélodie plaisait à Dariane. Un sac à dos au ventre tendu gisait à côté de la SDF. Dariane écouta quelques instants, les yeux fermés pour s’enivrer de la romance fredonnée par la voix douce qui accompagnait la guitare. La fille vêtue d’un jean troué souleva la tête à la fin de sa chanson, secoua la tignasse pour essayer de dégager ses yeux afin de distinguer sa spectatrice. — Vous aimez ? — C’était une belle musique et vous avez une jolie voix. Vous êtes là tous les soirs ? — Non, juste ce soir. — Je peux m’asseoir près de vous, demanda Dariane, j’ai envie d’autres chansons. Une fois installée jusqu’à côtoyer l’épaule de la musicienne, Dariane ferma les yeux et accompagna la sans-abri en remuant les lèvres sans connaitre la chanson, juste répéter la dernière syllabe : aime… belle… naître… vraie… Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle chercha la gamelle, le chapeau, la casquette renversée. Dariane allongea une jambe pour mieux fouiller dans sa poche de jean, elle sortit un billet de cinq euros qu’elle tendit à sa voisine. La clocharde posa sa guitare sur ses jambes. — Je ne veux pas d’argent, je joue pour moi, pour les autres, pour mon petit ami que j’attends, je ne suis qu’une touriste qui patiente. Elle éclata de rire en fixant Dariane embarrassée. — Ce n’est pas la première fois que cela m’arrive, mais cela me fait toujours rire. Ai-je vraiment l’air si misérable ? — Oui, répondit Dariane en souriant. La jeune publicitaire expliqua ensuite le pourquoi de sa présence dans les sous-sols parisiens, de la recherche de la future lauréate. Pleine d’humour, la musicienne s’enthousiasma : — Tout à coup je me souviens, oui, je suis bien une clodo, et si mon petit ami revient trop vite, je dirai que je ne le connais pas. Elle éclata de rire à nouveau. Dariane s’amusa de la plaisanterie et prit congé de l’étrange sans-abri. Après avoir flâné jusqu’à minuit sans rien trouver de sérieux, elle rentra au domicile, quartier de la Muette. Eddy ne dormait pas, Eddy lui fit la morale, Eddy dans son peignoir de luxe crut bon d’ajouter que sa femme revenait sûrement de chez son amant. Dariane haussa les épaules et partit sous la douche. Peu de confidences au lit, juste une allusion du mari alors qu’il s’enfilait sous la couette aux côtés de son épouse. — J’ai peut-être trouvé ce qu’il te faut. Hier j’ai rencontré une clocharde dans le bois de Vincennes et j’ai discuté un long moment avec elle. Ghislaine qu’elle s’appelle. Elle parait d’aplomb, je pense qu’elle ferait l’affaire. Dariane qui lui tournait le dos lui fit brusquement face. — Que faisais-tu au bois de Vincennes ? — Je pensais te donner un coup de main, dit-il de son faux sourire. — Occupe-toi donc de ta boite et laisse-moi à mon boulot. Puis elle se tourna à nouveau, éteignit le spot de nuit. Derrière ses paupières elle essayait d’imaginer l’avenir de son couple et des deux enfants qui dormaient de l’autre côté de la cloison. Quelques minutes plus tard, elle éclaira la chambre, s’assit dans le lit. — Fin août, je prends une semaine de congé. Organise-toi pour prendre tes vacances à cette période et tu emmèneras les enfants. Moi, j’irai retrouver mon neveu Jonathan en Franche-Comté. Bonne nuit. 5

Quelques jours avant la fin des vacances scolaires, Dariane stationna sa voiture sur la place principale de la ville natale de Gustave Courbet. Les balcons des vieilles maisons s’avançaient au-dessus de La Loue où les façades se reflétaient dans un mélange d’ombre sombre et de brillance dorée. La jeune femme chemina sur la passerelle, s’attarda devant le coucher de soleil sur la rivière, puis elle rejoignit la vieille ville. Jonathan habitait à côté de l’ancienne poste. Elle prit le temps de faire le tour de l’église comtoise. Elle leva la tête pour admirer le clocher en forme de casque espagnol, signe de l’identité ibérique dans la région aux XIVe et XVe siècles. La gracieuse blonde, toute fine dans son jean moulant, se décida à franchir la lourde porte de chêne puis monta l’escalier de pierre pour frapper à la porte de son neveu. Accolade familiale. Ils s’installèrent tous deux autour de la table de la pièce à vivre du F2 du célibataire. — Alors chère tante, tu découvres la région. Tu verras, ça va te plaire. Toi qui aimes la rando, tu seras gâtée. Et comme ça, tu viendras me voir souvent. Dariane lui lança son plus beau sourire. — Le peu que j’ai vu m’a enchantée, ces maisons sur l’eau, on dirait une petite Venise, cette église magnifique, de surcroit aux portes ouvertes, ce qui devient rare, cette longue rue étroite pleine de petits commerces, je crois que je vais adorer. — Qu’est-ce que je t’offre ? Macvin ? Oui, tiens, Macvin, tu vas goûter, c’est un apéritif du Jura. On aime ou l’on n’aime pas, tu me diras. Elle avait célébré la liqueur jurassienne, bu un second verre puis après avoir refait le monde avec son neveu de quatre ans son cadet, elle rejoignit l’hôtel de France au centre-ville. Le temps de prendre connaissance de sa chambre, de ranger ses bagages, son sac de randonnée, elle retourna vite pour le repas du soir auprès de Jonathan. — Alors comme ça, tu prends des vacances en solo. Et Eddy, qu’est-ce qu’il en pense ? Assise devant son assiette de salade composée, Dariane posa sa fourchette et but une gorgée d’eau fraiche. Elle regarda droit dans les yeux son neveu après avoir posé ses lunettes fines sur la table. — Vois-tu, notre couple, ce n’est pas vraiment la joie ces temps-ci. Je crois qu’on ne s’aime plus. — Il te trompe ? Dariane haussa les épaules. — Je ne sais pas, mais j’aurais tendance à le penser. — Tu te doutes de quelque chose ? — Pas spécialement. Mais le fait qu’il me rabroue constamment, qu’il me néglige… et puis… sa patronne est si charmante, ils s’entendent si bien. Je ne sais pas, mais voilà, comme on ne fait presque plus l’amour, tu connais les hommes, que peut-il bien faire de son sexe ? À la quarantaine les mecs sont plus chauds que jamais. — La crise de la quarantaine, c’est peut-être cela, répondit Jonathan dans un soupir. Il ajouta dans un beau sourire : — Une fille aussi charmante que toi, c’est Dieu pas possible de te laisser tomber ! Après le café Dariane demanda à sortir en ville pour profiter de la douceur de cette soirée d’été. Sur le trottoir, elle sortit son paquet de cigarettes. Tous deux fumèrent en marchant. De sa main libre, Dariane passa son bras sous celui de Jonathan. — Tu ne serais pas mon neveu, je t’aurais pris comme amant. Il rejeta la fumée de sa bouche pour ne pas mélanger souffle et soupir. — Tu es ma tante et j’aimerais que tu sois mon amie. Ici je ne connais personne. Je ne suis à Ornans que depuis deux mois. J’ai bien quelques collègues sympas chez Alsthom, mais les filles sont moches. Il montra une grimace, tira sur sa clope, attendit une réponse plaisante de sa jeune tante. Mais Dariane ne dit rien, continua d’admirer la ville la nuit. Ils passèrent devant le musée Courbet. Le peintre était né dans cette grande maison au bord de La Loue. Ils longèrent la *grande rue, toujours bras dessus bras dessous. Arrêtés devant une boutique, Jonathan osa un baiser dans les cheveux de sa tante qui admirait les vêtements féminins. Elle frissonna. Ils rentrèrent à l’appartement. Dariane s’attarda devant un Macvin. Puisque Jonathan travaillerait à son usine le lendemain, Dariane rejoindrait l’office du tourisme, et munie de son sac à dos, elle partirait en randonnée pour la journée. La télé annonçait une journée ensoleillée sur la région. Dariane sortit au petit matin de son hôtel, il faisait à peine jour. La fraicheur de la vallée enveloppa le corps de la randonneuse. Elle frissonna puis se décida à marcher d’un bon pas afin de retrouver un peu de chaleur. La jeune femme, short long, ressentait la chair de poule sur ses mollets. Elle longea le chemin de l’ancienne voie de chemin de fer puis le sentier qui rejoignait le fond de la vallée, direction la source de La Loue. Lorsque le soleil émergea de derrière les falaises, la jeune femme s’arrêta pour retirer son pull et l’enfonça dans son sac à dos. Ce sera une chaude journée. Dariane aurait aimé ce jour-là remplacer ses yeux par des yeux de lapin. La vue à 360 degrés de cet animal lui aurait permis de tout admirer en même temps. Il y avait tant de belles choses à voir. À gauche et en l’air les falaises de calcaire, à droite et en l’air les successions de sapins et d’épicéas qui dégringolaient la colline, et devant elle, l’eau verte de la rivière d’où s’envolaient les colverts qui filaient au travers du feuillage des saules, le cou en avant, les ailes sous le ventre. En traversant les villages de la vallée, sur les bords de La Loue, les hauts murs blancs des maisons s’enfonçaient dans l’eau claire. Pour mieux apprécier, elle ralentit l’allure, s’approcha de la rivière. Munie d’un bâton de fortune, elle s’engagea dans un court sentier abrupt qui emportait ses chaussures de marche jusqu’aux premiers remous de la rivière. Elle reconnut une grosse truite qui se faufilait sous une pierre, puis d’autres, plus petites qui, d’un coup de queue, se propulsaient plus loin à la recherche d’insectes d’eau ou de vairons. De l’autre côté de la rivière, elle aperçut une poule d’eau glissant sous les hautes herbes entre l’eau et la berge. Dariane respira à plein poumon cet air de fin d’été, un parfum de terre paysanne mélangé à l’odeur de l’eau fraiche drainant la mousse du fond de la rivière, à l’arôme du millepertuis jaune et de la mauve musquée. À la sortie du village de Mouthier, elle contempla le chardon-boule azuré, une abeille butinait un trèfle bâtard aux pétales roses et blancs tout à la fois effilés et recroquevillés. L’endroit paradisiaque attirait nombre de vacanciers. Dariane s’assit sur une grosse pierre blanche pour son pique-nique, les pieds nus dans l’eau froide. Fromage, chocolat, orange, pomme et trois longues gorgées d’eau sorties de la gourde l’avaient rassasiée. Elle regrettait la présence de tant de touristes assis non loin d’elle, les enfants qui couraient vers l’eau, les chiens qui se reniflaient, aboyaient parfois, les voix trop fortes de certains adultes vautrés sur des couvertures étalées dans l’herbe. Elle aurait tellement préféré la solitude du lieu, écouter le pépiement des oiseaux, le silence des roches, le bruissement des arbres, admirer l’envol des canards surpris par l’unique randonneuse, contempler sur sa droite la large étendue d’eau calme alors que sur sa gauche, une cascade ruisselait à l’ombre de l’été. Décidée à rejoindre la source de La Loue et rentrer le soir à l’hôtel, Dariane se leva, endossa son sac à dos, empoigna son bâton de fortune et se dirigea vers l’étroit sentier qui grimpait vers la source. Elle prit le temps de fureter encore le long de la rivière et s’arrêta bien vite pour regarder une fois encore des truites qui glissaient entre les petites roches. C’était un ballet de valses lentes, serein, limpide, une image au ralenti comme la vie d’ici. Elle passa devant la grotte des faux-monnayeurs, un nom bien joli, mais un nom tellement vrai après avoir lu l’affiche d’informations. Elle s’engouffra dans le porche d’entrée de trois mètres de hauteur, admira le lieu en pensant aux brigands qui habitaient cet endroit. Comment peut-on vivre ici ? se dit-elle, il fait sombre, il fait froid, un endroit tout à la fois envoutant et sordide. Elle poursuivit son chemin qui devenait franchement escarpé. Sur sa droite, la rivière dégringolait en perpétuelles cascades, se transformait en ruisseau au milieu des bois. À l’ombre sous les grands feuillus, Dariane transpirait de trop crapahuter. Après une heure d’ascension difficile, la jeune femme aperçut l’usine électrique du barrage des sources. Elle contourna l’étang et piétina entre les murets de pierres calcaires jusqu’au pied de la source. Elle se soulagea de son sac à dos qu’elle posa sur le muret du petit pont qui chevauchait un ruisseau secondaire. Elle croqua dans une plaque de chocolat noir tout en contemplant le site. Du monde autour d’elle, encore trop de monde, mais bon ! que faisait-elle là, elle aussi ? Ces gens n’avaient-ils pas le droit d’apprécier tout autant ce haut lieu touristique ? D’ailleurs, elle était bien loin de la cohue du métro. Mais n’en est-il pas toujours ainsi lorsque l’on souhaite le calme, on en veut toujours plus, tout comme l’amour, tout comme le pognon et comme tout le reste. Cependant le silence est toujours là, entre deux bruits, l’amour aussi si l’on regarde bien autour de soi. Elle ouvrit les bras dans ce lieu magique : mais le pognon, qu’est-ce que l’on s’en fiche ! songeait Dariane en contemplant la cascade qui grondait derrière les rochers. L’écume blanche surgissait d’une gueule noire pour baver sur un menton de roche puis rebondissait plus bas sur une gorge trempée pour s’étaler enfin sur le ventre de la terre. Plus bas, l’eau vivait son enfance dans la joie de la nature sauvage en sautillant de roche en roche. Dariane, emplie de décors et de joie, remontait son sac à dos sur son dos tout en ouvrant la conversation avec un autochtone qui parlait le langage suisse. Il lui conseilla de grimper un kilomètre plus haut. Elle pourrait se rafraichir dans un restaurant en pleine nature, flâner près du kiosque à souvenirs. Mais ça grimpe encore. Alors si ça grimpe encore, non merci, j’ai ma dose, avait-elle répondu. Elle entreprit la descente, se retourna une dernière fois vers la source, souleva la tête. Tous ces rochers plantés si près, ces falaises si hautes, l’endroit ressemblait à une cathédrale, un petit morceau de ciel bleu remplaçait le haut d’une tour. Ainsi Dieu surveillait du ciel touristes et gens d’ici. La descente fut plus rapide, pas besoin de reprendre son souffle, les lieux mieux connus, nul besoin de lambiner, et la fraicheur du sous-bois en cette fin d’après-midi attisait la marche rapide, histoire d’activer la chauffe des muscles. Contrairement à la matinée, Dariane n’accompagna pas la rivière dans sa totalité et, disciplinée, suivit les flèches du GR qui l’emmenèrent de l’autre côté de la grand-route. Certes, moins besoin de piétiner dans les broussailles ou parfois cheminer sur le goudron, mais le revers de la médaille n’était guère folichon, il fallait de nouveau grimper et grimper encore afin de découvrir la vallée de La Loue d’en haut, mais quel cauchemar ! Elle s’arrêtait souvent, fatigue aidant, pour reprendre son souffle, elle en profitait pour admirer sur sa droite, parfois de face, la haute roche d’Hautepierre. Est-ce que le sentier l’emmenait jusque là-haut ? Oh non ! Ouf ! le chemin devint moins escarpé, la direction n’indiquait plus la haute roche, mais plus sûrement le pied de celle-ci qui malgré tout semblait déjà bien élevé. Au détour d’un virage suspendu entre deux roches, Dariane remarqua devant elle un pauvre touriste, le dos courbé, semblant très fatigué, un gros sac à dos sur les épaules. Il s’appuyait d’une main sur un bâton de marche, de son autre main il tirait une espèce de poussette de courses toute bringuebalante. Il prit un chemin sur la droite, lequel grimpait fort et semblait rejoindre le sommet de la roche d’Hautepierre. Curieuse, mais surtout compatissante, prête à aider le pauvre homme, elle décida de le suivre à distance. Le randonneur allait vraisemblablement faire quelques haltes avant le sommet, ainsi elle aurait tout le loisir de le rejoindre et d’entamer une discussion. Pourquoi s’embarrassait-il de tant de choses en randonnée ? Ou alors… oui, c’est ça ! Mais que ferait donc un vagabond dans ce coin au milieu de nulle part, que n’est-il pas dans une grande ville, ou alors est-ce un paysan du coin un peu farfelu ? L’homme montait lentement, mais d’un pas régulier et surtout sans éprouver le besoin de s’arrêter. Dariane le talonnait de si près qu’il se retourna pour laisser passer la jolie blonde dégoulinante de sueur sous le soleil déclinant. Elle se pencha pour reprendre son souffle, ses deux mains sur ses genoux. — Non… merci… continuez d’avancer, monsieur, je reste derrière… si toutefois vous aviez besoin d’aide. L’homme reprit son ascension sans rien répondre. Dariane était si près de lui qu’elle perçut l’odeur fauve. Vêtu d’une chemise de coton à carreaux et d’un pantalon de velours crade déchiré aux fesses, l’homme semblait conserver la chaleur étouffante de l’été. Ses longs cheveux blonds qui tombaient sur le cou et la naissance des épaules n’invitaient guère au rafraichissement du corps. Sous les rayons de soleil du soir, la chaleur de la journée semblait tomber d’un coup sur cette montagne sans ombre. L’orage pouvait menacer avant la tombée de la nuit. Il fallait rejoindre les maisons du village d’Hautepierre-le-Châtelet au plus vite, mais elles semblaient encore inaccessibles tellement il fallait casser la nuque pour apercevoir un toit de tuiles rouges. — Avez-vous besoin d’aide, cria Dariane crapahutant dix mètres derrière l’homme blond. Celui-ci se retourna longtemps après. Un seul balancement de tête négatif, et Dariane comprit qu’il ne fallait pas insister. Lorsqu’ils parvinrent à mi-hauteur de la roche, le soleil se cachait loin là-bas, derrière les plateaux verdoyants qui surplombaient la vallée du Doubs. De gros nuages sombres annonçaient l’orage. Le tonnerre grondait du côté de Dôle ou Poligny. L’homme s’enfonça dans les rues du village puis il s’arrêta devant l’église. Sa poussette de course roula seule puis s’arrêta doucement contre le mur du sanctuaire. Le lourd sac à dos dégringola de ses épaules et tomba sur les dalles du parvis, l’homme blond se laissa tomber à terre et appuya son dos courbaturé contre le mur du clocher. Dariane s’approcha sans hésiter de ce personnage singulier. — Puis-je m’asseoir ici près de vous ? Un hochement de tête lui fit comprendre qu’il était d’accord. Elle se débarrassa de son sac à dos, posa son maigre bâton à côté de celui de l’homme. Elle s’assit à quelques mètres de lui, tout autant par politesse que pour l’odeur. Mais le randonneur comprendrait peut-être le mauvais sens du message, alors Dariane laissa glisser ses fesses pour s’approcher à deux pas de lui. — Bonsoir, je m’appelle Dariane. L’orage approche, il faudra trouver un abri. D’un coup de menton l’homme désigna le porche de l’église. Comme la jeune Parisienne n’avait toujours pas entendu la voix de l’homme, elle posa une question directe : — Et vous, quel est votre nom ? Pas de réponse. — Suis-je peut-être trop indiscrète ? L’homme regardait droit devant lui. Ses yeux fixaient les montagnes du Haut-Doubs. — Cloche d’or. Elle avança son paquet de cigarettes tout en retirant ses lunettes de soleil. — Vous fumez ? Hochement de tête négatif. Dariane rangea ses lunettes dans son étui puis dans son sac, alluma sa clope. Derrière la fumée qui se sauvait au vent, elle risqua une autre question : — Vous dormez dans la nature ce soir ? Un nouveau coup de menton, et Dariane savait qu’elle passerait la nuit, elle aussi, à l’abri sous le porche de l’église. Elle envoya un SMS à son neveu. — Je dors à Hautepierre le Châtelet. Je suis trop loin d’Ornans. Presque aussitôt, un coup de fil de Jonathan. — Je viens te chercher, tu ne vas pas dormir dehors, voilà l’orage. — T’inquiètes, je ne coucherai pas dehors. Et demain si le temps se remet au beau, je randonnerai sur le plateau et reviendrai par le château d’Ornans. Merci et bonne nuit, mon tendre neveu. — Couvre-toi bien, ne prends pas froid. Je t’embrasse. Au nord, le ciel restait clair, à l’ouest, au sud, à l’est, les nuages noirs envahissaient la vallée, s’accrochaient aux falaises. Les premières gouttes tombèrent, de grosses gouttes bien froides. Dariane s’empressa de ramasser son sac à dos et s’engouffra sous le porche de l’église. Sans hâte, déjà trempé, Cloche d’or rejoignit son imprévue compagne. Dariane poussa la porte de l’église. — Oh, regardez ! c’est ouvert, on pourra dormir à l’intérieur. — Le bedeau ferme bientôt. Venez dormir chez moi. — Où est-ce, chez vous ? Cloche d’or pointa son index vers les prés devant lui sans dire un mot. — D’accord. Assise contre le mur du porche, cloche d’or allongé en face d’elle de l’autre côté, elle se disait qu’elle n’avait même pas peur de cet homme singulier. Cloche d’or semblait dégager, hormis l’odeur, un sentiment de sagesse et de simplicité. Ce fut donc avec une certaine sérénité qu’elle avait accepté l’invitation, d’autant que cet homme n’était pas un vagabond puisqu’il avait un domicile. Après un repas froid au coin du porche sans rien se dire, le couple s’engagea sous les restes de l’orage sur une petite route boueuse et caillouteuse où les flaques d’eau se noyaient dans les creux du chemin. Après un quart d’heure de route, ils s’engagèrent dans un sentier. Les nuages s’étaient déchirés laissant apparaitre de larges morceaux de ciel bleu foncé où s’allongeait une peinture rose pâle parsemée de petites traces grises vers l’ouest. Quelques minutes plus tard, Cloche d’or se dirigea vers une vieille grange dont Dariane distinguait mal les contours. En s’approchant de la masure, elle comprit que le domicile de Cloche d’or n’était rien d’autre qu’un taudis au sol de terre battue au milieu de nulle part. Pas sûr même que le toit en tôle rouillé les aurait abrités de l’orage passé. Elle s’en accommoda, sachant désormais qu’elle avait à faire à un vagabond calme, mais guère gentleman. Malgré l’absence de conversation, elle savait déjà, des quelques mots sortis d’une voix grave, que cet homme dont elle partagerait la demeure pour la nuit s’appelait Cloche d’or et habitait ici en périphérie de Hautepierre-le-Châtelet, qu’il connaissait le bedeau du village et qu’il savait marcher et crapahuter sans trop de fatigue. Dans la nuit de la grange, il alluma sa lampe électrique, un boitier d’un temps passé, rectangulaire, plat, muni d’une toute petite ampoule. Où pouvait-il donc bien trouver ces piles plates au jour d’aujourd’hui ? Il s’installa dans le fond de la grange, là où quelques bottes de paille servaient de coussins, d’autres déliées et étendues à même le sol telle une couette dorée. — Viens vers moi, tu ne crains rien, j’ai pas de belles dents, je ne pourrai pas te mordre. Tiens donc, quand il veut, il cause, il cherche même un peu d’humour. Cela soulagea la jeune femme qui s’approcha de Cloche d’or en laissant toutefois une certaine distance entre eux. Plus par correction que pour l’odeur du vagabond, laquelle semblait d’ailleurs moins prégnante dans la fraicheur de l’orage passé et de la nuit. De ses dents blanches, Dariane tirait sur une couenne de jambon blanc. — C’est un joli nom, Cloche d’or. Silence de l’homme. Et les gestes éventuels pour interpréter une réponse ne serviraient pas à grand-chose, Cloche d’or restant caché derrière les lueurs de sa lampe électrique. Il lui proposa de l’eau qui croupissait dans un seau métallique à côté de lui. Bien sûr elle refusa, alluma un minuscule Camping-Gaz sorti de son sac, posa une casserole de plein air, s’empara du seau métallique et versa de l’eau dans le récipient. Lorsque l’eau fut tiède, elle se frotta le visage, les bras, les aisselles avec un gant trempé dans la casserole. Sa lampe frontale évitait d’éblouir le vagabond, mais lorsque le faisceau lumineux s’attarda quelques secondes devant le visage du grand blond, Dariane devina un homme encore jeune, quarante ans, peut-être moins, l’habit ne fait pas le vieux moine. Les longs cheveux blonds bouclés rayonnaient sous le jet de lumière, tombaient sur le bas de la nuque, coiffaient le cou, la chevelure épaisse s’achevait sur le devant du visage, et derrière le rideau d’or ajouré on devinait de grands yeux bleus. Dariane compara cette chevelure jaune qui entourait le visage ovale à une cloche en or. Elle n’osa demander confirmation, connaissant la réponse silencieuse. Pas même un son de cloche ne sortirait de la bouche du vagabond. Par contre, sourit-elle en elle_même, une cloche avec une barbe blonde et fournie, c’était plutôt rare. Une cloche viking ?


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